lundi 14 novembre 2016

À quand le litchi « produce of Spain » ?

Il est toujours difficile pour moi de définir l’exotisme quand on a passé chaque moitié de sa vie des deux côtés de la frontière ! En tout cas pour moi, un tananarivien de souche, un « coeur de boeuf* » est un fruit étrange, bizarre, un produit purement exotique que l’on ne déguste que lors de nos escapades Pascales vers la côte-est de Madagascar. Un fruit presque indécent avec son jus laiteux qui dégouline de douceurs inconnues.
En Andalousie, quelle était ma surprise de voir ce fruit, nombreux sur les étals du marché, côtoyer les oranges et les kakis. Je me suis demandé si la conquête musulmane de la péninsule ibérique avait amené ce fruit jusqu’à l’Alhambra. Ou est-ce un des fruits dans les bagages de Christophe Colomb pour sa belle Reine Isabella. Rien de tout cela, ce fruit est arrivé à Grenade, il y a trente ans, avec la mondialisation. Une zone spécifique du versant sud de la Méditerranée Andalouse, protégée des vents du Nord par la Sierra Nevada permet d’avoir un climat subtropical adéquat pour une série de cultures tropicales. On y produit de l’avocat, de la mangue, et notre fameux « chrimiyo ou annone » en quantité ! Je l’ai dégusté et j’avais la vague impression de goûter à nouveau à un fruit défendu, à un fruit d’ailleurs, une sensation étrange où j’ai perdu toutes frontières. Et je me demande si un étranger, en Europe, qui déguste un fruit exotique de son pays, produit localement dans un pays occidental, effectue un acte exotique ? Je pense que tout est relatif mais j’avoue que pour moi le « Konkony » reste un fruit exotique, il me renvoie quelque soit l'espace temps dans mon monde imaginaire, un monde fantastique auquel je rêve encore. À quand le litchi « produce of Spain » ?

* appelé aussi annone ou pomme-canelle, fruit introduit à Madagascar par les silams de Zanzibar d’où son nom vernaculaire Konkony ou Konokonona
 –

dimanche 13 novembre 2016

"Vomanga* glacée"

Souvent, après la messe à Ambohimalaza, soi-disant pour nous remercier d'avoir été attentifs à l'homélie du jour, on se dirige vers les grands pâtissiers de La capitale : pâtisserie suisse, Papa Emmanuel, Colbert... . À Noël, on a le droit à nos marrons glacés. Eh oui, ma mère les adore et je n'ai jamais eu le temps de lui demander pourquoi elle adore cette friandise que nous trouvons trop sucrée. Elle nous a quitté quand j'avais seulement 10 ans. Par contre, j'ai hérité de sa curiosité pour les goûts des autres. Elle nous a encouragé et presque forcé à avoir des petits correspondants du monde entier et de nos îles avoisinantes, mais cà, c'est une autre histoire. Arrivé en France, j'étais étonné que les marrons glacés soient des mets de prestige. Cet été, j'en ai goûté chez Lilamand confiseur à L'Isle sur la Sorgue. Depuis il me trotte dans la tête d'en faire avec les patates douces. Et j'étais surpris du résultat: confite, fondante, doucement sucrée dans la bouche avec son parfum de vanille. En la dégustant, j'ai deviné pourquoi ma mère s'attachait à cette friandise venue d'ailleurs ! Son goût lui rappelle sûrement les patates douces de son enfance. À partir d'aujourd'hui, pour les fêtes de fin d'année, j'en ferai en son honneur (et pour ma propre gourmandise), du "Vomanga* glacée" ! 
* patate douce Malagasy à la chair blanche ou avec quelques taches violettes qui n'a rien avoir à celle qu'on trouve dans les supermarchés en France

dimanche 9 octobre 2016

Café crotte


Suis bi, bipolaire, pas le truc-much où on change d'humeur tous les jours . Suis plutôt tiraillé entre deux mondes: né catholique, élevé protestant. Bigot à fond côté papa et strict sans icône côté maman. Du côté cuisine, soit tripes noires avec du piment maison, soit bouillon de poule clair avec les angivy (petit aubergine très amère) qui nagent dedans. Ce qui a élargi ma palette gustative. Vu les petits arrangements dans la famille avec des frontières souvent perméables, vus les non-dits qui se devinent et les secrets connus de tous, chez nous cela ne dérange personne de transgresser, une qualité même appréciable et j'en ai fait bon usage.
Il m'arrive souvent de fuir le fade vary sosoa (riz rouge gluant) du matin pour sentir l'odeur du café maison de chez mes grands-parents paternels. Ma grand-mère grille son café tous jours l'après midi et se sert du pilon pour le moudre. La torréfaction est interdite sauf à elle, une histoire de nez sans doute où elle seule sait arrêter le feu au bon moment. 
Aujourd'hui, je vais goûter le café crotte d'Indonésie, oui j'ai bien dit crotte car il s'agit bien des déjections des civettes, des mammifères de la forêt qui ont pris soin de sélectionner dans le caféier les cerises les plus sucrées que les esclaves des grands propriétaires colons ramassaient tous les jours. Il était interdit pour eux de goûter au fameux breuvage, ils ont fait le leur en ramassant les crottes de leurs complices. 
Passé dans la tube digestif de l'animal, le petit grain en a profité pour enlever son amertume en enrichissant ses parfums de la flore intestinale de la bête. Et c'est devenu le café le plus ultra du monde (donc le plus cher). Aujourd'hui, persuadé par mon ami Sébastien , un futur barista, j'ai abandonné la vieille chaussette de ma grand-mère pour le top des papiers filtres "chemex". Nous avons goûté au café Kopi Luwak. L'odeur de la maison de ma grand mère m'a pris en plein nez.
Crotte alors, café ou tisane ?

dimanche 14 août 2016

Souper au Looks...



Souper chez Le Verdurin ou aller à l’Opéra –Comique était un dilemme pour Swan dans « La recherche du temps perdu » de Proust. J’ai eu la chance énorme dans ma vie de naviguer dans tous les eaux dès ma naissance et goûter les plaisirs strates sociaux divers. De la grande aristocratie où je suis né (mes arrières grand parents d’Ambohimalaza exhibaient leur chien de salon avec leurs employés de maison) au bas fond du bas quartier de Tana à Isotry où le matin, il faut savoir enjamber les étrons encore enfumés déposés par ici ou par là. 

« Souper au Looks* » à Andravoahangy après l’opéra « Carmen** » de Bizet à 1h du matin m’a replongé dans l’univers de Proust . Je n’ai pas eu le dilemme comme Swan, j’ai fait l’un après l’autre. L’après-Carmen vaut bien une ambiance de taverne dans les quartiers populaires de Tana, comme celle de Lila Pastia** (scène du 2ème acte) que du champagne aseptisé du Café de La Gare où on ne risquera pas de croiser une Odette de Crucy.

Looks* : restaurant populaire où on sert des têtes de cochons et des cochonnailles ... diminutif de "loha-kisoa" ou tête de cochon en malgache 
Carmen** : 3 représentations à Madagascar avec Laka Ensemble


samedi 6 août 2016

Quitter la misère humaine et retrouver la mère nature ...


Quitter la misère humaine et retrouver la mère nature pendant quelques jours pour un homme moderne comme moi nécessite quelques préparations de base. L'objectif est d'enlever tous les poids de notre quotidien et être au plus près du ciel,le plus léger possible. Mais le hic car il y a un hic est que, très vite, le poids du quotidien est remplacé par un sac à dos de 15kg contenant le minimum* nécessaire et obligatoire pour bivouaquer (sans refuge et sous tente) pendant 4 jours à 2000m d'altitude. 
Pour minimiser nos sacs, il faut passer à la nourriture des grands sportifs, le repas lyophilisé, "destiné à être consommer avant l’effort, ils ont l’avantage d’être complets car ils contiennent un apport nutritionnel optimal et équilibré" . De l'ultra food poulet curry, purée poisson ... aux pâtes ou lentilles, peu de choix, le tour est vite fait. En 5mn avec de l'eau bouillante on a un repas complet servi à n'importe quel altitude. Un bon transit intestinal et une digestion facile. Pour la première fois, j'avais l'impression d'être un canidé de luxe, nourri à la royale croquette, qui fait ses besoins à heure fixe avec des déjections bien propres. Hélas ou heureusement (selon le point de vue), il y avait des extras dans la nature ... les fraises des bois, les myrtilles et les quelques arrêts dégustations des fromages des bergers qui ont déréglé ce petit régime ! Et petit à petit, la nature a repris sa place... Imprévisible et sauvage où seul le dzama** me rappelle mes hautes terres malgaches et fait chavirer mon corps sur les crêtes des montagnes des Pyrénées !

* liste précieuse fournie par le meilleur guide de montagne Sebastien 
** rhum primé malgache

samedi 30 juillet 2016

Le piment d'Espelette de mon ami basque


Pour un gasy Kely comme moi, quand je suis arrivé en France à Bordeaux, au lycée, j'avais comme camarade de banc une basque. Depuis, j'ai toujours considéré le pays Basque comme un des pays les plus proche de mon monde malgache pour sa singularité linguistique mais aussi pour sa cuisine goûteuse. Un poulet façon "basquaise" est plus proche de notre poulet "sauce" avec les poivrons en sus. On a un point commun: La cuisine française nous semble tellement fade. Ce pays est entré dans mon estime car c'est la seule région francaise qui a sacralisé le piment local jusqu'à devenir son emblème. Certes ce n'est pas un piment aussi fort que le "Tsy lany Dimy Lahy"* mais le piment d'Espelette a du caractère (je l'ajouterais volontiers sur du foie gras mi-cuit). Aujourd'hui, mon ami basque C. Etchebarne nous a préparé des "chipirons à la Luzienne" à la plancha et c'était un vrai régal. Les rondelles d'encornets ont été cuites à point sans être sèches mais bien grillées, croquantes et tendres à la fois. Et c'est en dégustant ce plat et au fil des discussions que nous avons eues à table que nous nous sommes aperçus que ce qui nous lie c'est l'attachement profond à nos fortes identités culturelles. Et cette fierté d'appartenir à une culture "qui nous sommes" qui nous facilite à aller vers l'autre, à partager, à recevoir ... Tout simplement à vivre ensemble. 

* variété de piment malgache qui a pour nom usuel "cinq hommes ne peut pas finir"

Anglet, juillet 2016

lundi 6 juin 2016

Je mangerais du bambou comme l'hapalémur doré !

Au marché de la Petite Hollande, on trouve de tout comme un petit zoma . Des brèdes bien-sûr, en ce moment c'est l'époque des brèdes mafana ou anamalaho mais. Aujourd'hui, je vas faire honneur aux ancêtres de mes ancêtres, je mangerais du bambou comme l'hapalémur doré !

Vonjy au pays de la La Lémurie, le jardin originel de l'éden

Nantes, 4 juin 2016

vendredi 13 mai 2016

Pendant que la menthe joue à cache avec les radis ...

Pendant que la menthe joue à cache avec les radis, le riz déborde sur un inconnu rougail* afin de mettre à l'aise quelques portions de pasteis de nata**.
* du tamoul urugai "genre de sauce" , sauce tomates pimentée accompagnant le riz, la viande spécialité de l'océan indien
** pâtisserie portugaise notamment de la monastère de Belem

Nantes, 13 mai 2016

mardi 10 mai 2016

Mon bento du jour

Quand le taboulé
Se perd dans les achars*,
Le ravitoto** se fait discret 
Pour se fondre dans le beurre
De son voisin kouignanam*** .

* légumes sautés au curry
** plat national malgache à base de feuille de manioc
*** gâteau breton plein de beurre

Nantes

mercredi 13 avril 2016

La soupe du mardi

Oui, j’ai gardé l’accent comme Mireille, mon accent malgache des années 80 où les « r » se roulent un peu pour faire chic … mais il y a d’autres accents locaux venus que je n’arrive pas à saisir, c’est le cas de la propriétaire de ma petite gargote thai préférée.
Cela fait des mois, que je ne rate pas sa fameuse soupe aux porcs au du lait de coco, avec de la galanga, de la citronnelle parfumés aux feuilles de combava et du curry rouge. Une fois par semaine, je rentre et elle me demande si je veux de la soupe ducaTI , ou dupaTI, ou du maTi … et il m’a fallu plusieurs semaines pour savoir qu’elle voulait dire tout simplement la soupe de marDI ! Et puis le rituel s’est établi … Lundi Ravioli , le mardi Soupe que je déguste goulûment en écoutant les doux accents des nantais d’ailleurs .

Nantes, avril 2016