jeudi 22 octobre 2020

Une journée de cochon

Élever un cochon, le tuer et le préparer pour être mangé n'est pas une expérience anodine et n'est pas donné à tout le monde dans les fins fonds de la campagne française. J'ai eu cette chance depuis que j’ai été adopté par la famille de « La Guittonerie », il y a 20 ans. Mais depuis, quelque chose a changé. Si avant, il s'agissait exclusivement d'une aff
aire familiale et amicale, elle s’est élargie depuis et tant mieux direz-vous ?

Oui bien-sûr, mais ils sont partis où ?
- nos coups de scie maladroits pour faire de belles paires de rouelles de jambon,
- nos mains refroidies à force de découper, sélectionner et empaqueter les viandes à partager,
- nos agacements quand le poussoir du hachoir n'arrivait pas au fond de l'entonnoir,
- nos belles rigolades quand les boudins s'éclataient et tachaient nos visages de sang écarlate,
- nos attentes interminables pour goûter à midi, la fameuse tête avant de la dépiauter pour les boudins,
- nos mains brûlantes en dépiautant la tête du cochon,
- nos envies de goûter la viande à pâté et de courir dans le jardin chercher à la dernière minute les persils et quelques brins de thym car on avait oublié,
- nos pleurs incessants pour les épluchures des kilos d'oignons,
- nos inquiétudes permanentes si la machine à saucisse va tenir le coup jusqu'à la fin de la journée,
- nos va et vient incessants pour surveiller le feu de bois pour la cuisson des terrines,
...
Aujourd'hui, l'affaire est dans le sac en une demi-journée car le professionnalisme a remplacé notre amateurisme, un excellent travail du boucher et de son fils qui nous ont accompagné : viande tranchée nette à un centième de mm près, dosage des sels et poivres à un mmg près, saucisses et boudins calibrés à un cm près et j’en passe.
Mais surtout les mœurs ont changé, où sont passés mes beaux-frères et belles sœurs : Denis, Chantal, Cathy, Jérôme, Louisette … ? Merci à notre cheffe Mado pour l’organisation, à ma nièce Elisa & sa maman & à Régis de résister et d’être présents encore aujourd'hui. Mais où sont passés les beaux moments ensemble ? Quand Adriana La Roumaine et moi le malgache ont apportés des recettes d’ailleurs et des accents à la cuisine du cochon d’ici ? Les mœurs ont changé, le camp des végé gagne petit à petit du terrain. La convivialité n’est plus « La Grande Bouffe » où les viandes, le vins et les desserts coulent à flot. Manger sain est devenu la loi universelle.
Et puis, quand je proposerai mon bocal de pâté à mes amis, que vais-je raconter ? Une tradition qui se perd ou l'histoire de Fifi & Manu ? J’opte sur ce 2ème, ce sont les noms qu’ont donnés les enfants du voisin aux deux cochons que nous avons préparés aujourd’hui. Ils me l'ont murmuré à l'oreille et les ont baptisés en honneur de Macron & Edouard Philippe.
Cette année, les deux compères ont mangé essentiellement des céréales maison disait fièrement grand-père mais plus des gâteaux. Fifi est plus fine à côté de Manu qui est trop grogneur renchérit grand-mère.
Pour moi, les kilos de viandes, de saucisses et de boudins et les huit bocaux de pâtés, de cette journée de cochon n'ont plus la même valeur. C’est le corps de Manu & Fifi qui ont été sacrifiés pour notre bien-être. Je vais les cuisiner, goûter et partager en leur honneur. Pas pour nos deux dirigeants politiques mais pour les deux cochons que j'ai vu grandir en quelques mois.
Vive La République, Vive La Cochonnerie et Vive La Guittonerie

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